Combler les lacunes en matière de connaissances sur les pensions complémentaires en collaboration avec l’ensemble des parties prenantes

Un regard sur demain

Combler les lacunes en matière de connaissances sur les pensions complémentaires
en collaboration avec l’ensemble des parties prenantes

De grands changements s’annoncent dans le cadre de la communication sur les pensions complémentaires. Ainsi, une nouvelle fiche pension et des informations transparentes supplémentaires au sujet de la pension complémentaire sont prévues pour 2024. Steven Janssen joue un rôle essentiel dans cette réforme. Il est le directeur général de Sigedis, l’asbl qui est responsable d’outils tels que mypension.be sous l’égide de la sécurité sociale. Assuralia s’est rendue à la Tour des pensions afin de dresser un état de la situation.

Quelle est la motivation qui se cache derrière la réforme de la communication relative aux pensions complémentaires ?

Steven Janssen (SJ) : La raison formelle de cette opération réside dans les règles européennes (somme toute) récemment introduites pour les fonds de pension et qui s’appliqueront ensuite également aux assureurs via une nouvelle législation en matière de transparence (approuvée par la Chambre en décembre 2022).

Même sans cadre légal, nous étions toutefois demandeurs de développer davantage et d’affiner les informations fournies aux citoyens au sujet de leur pension. Nous nous attendons en effet à ce que de plus en plus de personnes cherchent des informations à ce sujet. Nous tentons même d’ailleurs de provoquer cette tendance, et ce, dans l’intérêt de tous. Toutes les parties prenantes en la matière souhaitent en effet accroître l’implication de la population dans le cadre des pensions.

Les connaissances des citoyens et des chefs d’entreprises dans le domaine des pensions sont très limitées. Comment pouvons-nous mieux les informer et les sensibiliser ? 

SJ : L’amélioration de ces connaissances reste un processus complexe. La situation n’est pas différente dans les autres pays. Dans ce contexte, le fait que la nouvelle législation en matière de transparence ne fixe pas trop de détails n’est pas une mauvaise chose. Les besoins des gens en matière d’information sont en effet évolutifs.

Assuralia - Interview avec Steven Janssen

En outre, cela nous donne la possibilité de tenter de combler ces lacunes en matière de connaissances en collaboration avec l’ensemble des parties prenantes : employeurs, syndicats, organismes de pension, etc. Nous sommes à la recherche d’un consensus. L’objectif est que tous ces acteurs considèrent la nouvelle communication comme étant leur projet commun.

Les nouvelles fiches pension soulèveront évidemment des questions. Les organismes de pension devront donc s’organiser pour y faire face. D’un point de vue juridique, la fiche pension est bien un instrument qui relève des autorités (Sigedis), mais, d’un point de vue moral, il s’agit d’un instrument partagé, d’une réalisation et d’une responsabilité communes.

Je souhaite toutefois formuler une observation concernant l’ambition de combler les lacunes en matière de connaissances : mettre à disposition davantage d’informations ne donne pas toujours lieu à une meilleure information. Le défi qui consiste à trouver le bon équilibre, à donner la bonne quantité d’informations au bon moment et à choisir la meilleure façon de les communiquer reste complexe. En dire trop peu suscitera des questions supplémentaires, en dire trop aura pour conséquence potentielle que certaines personnes décrochent.

Quand cette nouvelle fiche pension arrivera-t-elle dans ma boîte mail ?

SJ : Le législateur part du principe que tout sera opérationnel en 2024. Au cours du printemps 2024, tous les organismes de pension devront communiquer les données à mypension.be conformément aux nouvelles normes et, au cours de l’automne, le stress et la pression passeront dans le camp de Sigedis qui devra mettre en ligne toutes les informations et envoyer les nouveaux aperçus de pension.

La confiance dans notre système de pensions est mince. Cela est-il dû à un manque de connaissances ou à la méfiance à l’égard des décideurs politiques ?

SJ : Dans cette matière, les connaissances n’engendrent pas automatiquement une plus grande confiance. Communiquer mieux ou d’une manière plus détaillée ne transformera pas en soi la méfiance en confiance.

Si, pendant trente ans, vous dites que le système des pensions court à sa perte, vous récoltez évidemment l’opinion publique que vous avez vous-même semée. En la matière, les responsables politiques ne sont pas les seuls fautifs mais nous avons tous quelque chose à nous reprocher. Par le passé, les pensions ont fait l’objet de propos exclusivement négatifs. Cela peut paraître cynique, mais notre communication est en réalité très bien passée. Nous sommes à présent toutefois confrontés à un résultat que nous n’avions pas escompté.

Et l’opinion des gens n’est pas nécessairement nuancée à cet égard : toutes les pensions en pâtissent. Si, d’une part, ceux qui veulent promouvoir le deuxième pilier continuent à parler du premier pilier en termes négatifs et si, d’autre part, certains défenseurs du premier pilier continuent à exprimer des propos négatifs au sujet du deuxième pilier, il ne faut pas s’étonner que de nombreuses personnes soient méfiantes à l’égard des pensions dans leur ensemble. Nous avons nous-mêmes provoqué cette situation et nous n’allons pas rectifier la situation avec quelques connaissances supplémentaires ou un meilleur site Internet.

Il faudra du temps pour corriger cette image. La confiance se gagne en gouttes et se perd en litres. Elle peut être rapidement perdue et elle ne se regagne que très lentement. L’amélioration des connaissances n’offre pas la garantie d’une plus grande confiance mais cela ne veut pas dire que nous ne devons pas investir en la matière. Les personnes qui veulent s’informer ou qui veulent vérifier leur situation doivent pouvoir trouver ces informations.

Steven Janssen

Directeur général de Sigedis


Tout le monde a intérêt à ce que le plus grand nombre possible de personnes bénéficiant d’une pension complémentaire consultent mypension.be. 


Mypension.be est une belle plateforme, mais le nombre d’utilisateurs numériques est encore faible et la visite moyenne est plutôt brève. Sur qui ou quoi compte Sigedis pour faire connaître cette plateforme et accroître son utilisation ?

SJ : Sigedis contacte à l’heure actuelle environ 50 % des affiliés par e-mail. Ce nombre doit être relevé étant donné la nouvelle méthode envisagée pour l’envoi des aperçus de pension aux affiliés. Nous comptons également sur les assureurs ainsi que sur les secteurs et les employeurs pour fournir un important effort à cet égard. Tout le monde a intérêt à ce qu’au cours des prochains mois et des prochaines années, le plus grand nombre possible de personnes bénéficiant d’une pension complémentaire consultent mypension.be.  Si elles en profitent pour y communiquer également leur adresse e-mail, elles recevront dorénavant un aperçu annuel. Les personnes qui ne le font pas devront attendre la communication par le biais de leur assureur ou employeur.

En ce qui concerne l’utilisation de mypension.be, nous constatons que peu de visiteurs cliquent à l’heure actuelle vers des informations plus détaillées. Nous ne savons pas encore précisément pourquoi il en est ainsi. Sont-ils satisfaits de l’aperçu général qui apparaît sur le premier écran ? Ou abandonnent-ils rapidement parce que la structure du site Internet est trop complexe ?

Si nous voulons améliorer les connaissances, nous devons surtout faire connaître les endroits ou services où le citoyen peut obtenir une réponse à ses éventuelles questions. Il est important qu’il sache qu’il peut s’adresser à son service RH, à son fonds ou son assureur et qu’il peut toujours consulter les informations relatives à sa pension complémentaire sur mypension.be. Il s’agit d’objectifs cruciaux, élémentaires.

Une stratégie multicanaux est pour ce faire nécessaire. Considérés isolément, ni le site mypension.be, ni les employeurs, ni les assureurs ou les fonds de pension, ni la chouette campagne vidéo d’Assuralia et PensioPlus à l’attention des jeunes travailleurs ne permettront d’améliorer les connaissances lacunaires en matière de pensions. L’effort devra être collectif et devra être répété à de multiples reprises.

Un des objectifs du gouvernement De Croo est l’élargissement du deuxième pilier, avec une cotisation minimale de 3 %. Le contexte (coronavirus, guerre, énergie, inflation) n’est toutefois pas favorable. Que va-t-il se passer ?

SJ : En toute honnêteté, il ne faut pas s’attendre à grand-chose en la matière. Le gouvernement n’est pas en faute : l’économie est ce qu’elle est.

Il est quasiment certain que le prochain gouvernement reprendra l’objectif de l’élargissement, comme ce fut également le cas dans les accords de gouvernement précédents. Je suis toutefois satisfait de l’accord de gouvernement parce que c’est la première fois que nous y définissons concrètement ce que nous visons par l’« approfondissement du deuxième pilier », à savoir une cotisation d’au moins 3 % pour tous les travailleurs. 

Cela montre également que nous estimons que, si le deuxième pilier entend jouer un rôle, il doit alors avoir une certaine ampleur. Toutefois, même si ces 3 % sont un consensus qui peut être soutenu par l’ensemble de la société, c’est-à-dire également par les partisans du premier pilier, la question subsiste de savoir comment nous allons pouvoir les atteindre. Que l’on renforce le premier pilier ou le deuxième pilier, cela coûtera en effet de l’argent dans les deux cas. Et cet argent est-il disponible ou pas ?

Soit la volonté de trouver et de libérer de l’argent pour les pensions est présente, soit elle fait défaut. Et si la motivation pour trouver ces moyens est présente, il faut encore que l’économie soit favorable.

Telle est la situation dans laquelle nous nous trouvons à l’heure actuelle.

Steven Janssen

Directeur général de Sigedis


S’il n’y a pas d’argent supplémentaire, les partenaires sociaux doivent faire des choix. 


L’objectif de « 3 % pour tous » semble bien éloigné. En outre, la pension complémentaire subit la concurrence d’un éventail toujours plus large d’avantages fiscaux extralégaux.

SJ : Il s’agit d’un sujet d’actualité. L’ONSS est en train de cartographier tous ces avantages. Toutefois, s’il n’y a pas d’argent supplémentaire disponible, les partenaires sociaux doivent effectivement faire des choix. La question qui se pose alors est de savoir si nous voulons de l’argent immédiatement disponible ou si nous voulons mettre de l’argent de côté pour l’avenir. Ou encore si nous voulons une combinaison des deux. La crise économique, avec des factures énergétiques élevées, a pour conséquence qu’il n’est pas évident à l’heure actuelle d’épargner pour plus tard. Dans l’attente de jours meilleurs, j’espère que la liste des avantages extralégaux potentiels ne sera en tout cas pas à nouveau rallongée ! (rires)


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