Un regard sur demain
Un regard sur demain
Plus de diversité et d’inclusion : le défi que se lance le secteur de l’assurance
Les entreprises qui intègrent la diversité et l’inclusion dans leur stratégie d’entreprise gagnent en intelligence collective, affirme Claire Godding, coprésidente de Wo.Men in Finance, une initiative destinée à mettre en œuvre les engagements pris à la suite de la signature en 2019 de la Charte plaidant pour un renforcement de la diversité des genres dans le secteur financier et dont Assuralia est un partenaire privilégié. Donner des chances justes et égales à toute personne active dans les entreprises bancaires et de l’assurance, comment cela se concrétise-t-il à un niveau sectoriel ? Les réponses en cinq questions dans cet entretien avec Claire Godding.
Dans le secteur de l’assurance, le portrait des hommes et femmes qui le font vivre est dressé chaque année dans le rapport sur l’emploi à partir de données liées à la fonction, le genre, l’âge, l’ancienneté et le niveau d’études. Ainsi, en 2021, l’assurance recensait 21.680 personnes occupées en contrat à durée indéterminée dont plus de la moitié de travailleurs (54,4%) sont des femmes. Si elles sont relativement présentes dans les fonctions de middle management (46,7%), leur nombre baisse dans les hautes fonctions décisionnelles : 32,9% de femmes en senior management et 22,8% en comités de direction. Plafonds de verre, représentativité et diversité de toute nature s’inscrivent dans les défis que le secteur se lance pour les prochaines années.
Assuralia a signé la charte qui a conduit à la création de WIF dont l’action se concentre surtout sur la parité hommes-femmes. Qu’en est-il des autres aspects de la diversité ?
Claire Godding (CG) : Tout d’abord, je suis convaincue que l’approche sectorielle est incroyablement importante parce qu’elle permet de réunir tellement d’acteurs liés par les mêmes préoccupations. Cette union des forces offre aux uns la possibilité de tirer parti de l’expérience des autres, qu’il s’agisse de banques ou d’assureurs. C’est le cas sur les questions de genre mais c’est aussi vrai sur l’ensemble des autres facettes. L’association Wo.Men in Finance encourage chaque fédération à pleinement jouer un rôle de challenger vis-à-vis de ses membres pour les rendre plus attentifs, plus engagés sur ces sujets-là. En l’occurrence, le défi est peut-être plus important encore pour les assurances que les banques lorsqu’il s’agit d’analyser le lien entre diversité en présence et qualité de la prise de risques ; une matière qui est au cœur du métier d’assureur.
La prise de risques, l’innovation, la qualité de décision, l’attraction et la rétention des talents sont à la fois des priorités de la finance au sens large, et des atouts liés à la diversité.
En l’état actuel, nous constatons que plus on monte dans la hiérarchie, moins on dénombre de femmes dans les postes-clés. C’est la question des plafonds de verre qui est au cœur de l’initiative de WIF puisque les 50 institutions qui ont signé notre charte se sont engagées à mesurer annuellement leurs plafonds de verre. On entend par plafonds de verre, les niveaux où le pourcentage de femmes baisse plus rapidement. Cette mesure se fait en se basant sur la classification de fonctions au sein de l’entreprise et en vérifiant à chaque niveau les pourcentages de femmes et d’hommes.
Mesurer, c’est pouvoir changer les choses, selon vous ?
CG : Evidemment. L’idée, c’est de pouvoir mettre en place des actions spécifiques une fois un plafond de verre identifié. Sans mesure de ces plafonds de verre, le management et les ressources humaines s’imaginent souvent que le problème se situe essentiellement au niveau de l’accès au senior management. La réalité est autre : le premier plafond de verre chez la plupart de nos membres se situe au niveau des cadres moyens.
Cela signifie qu’une politique axée sur le senior management est insuffisante. Il faut également concentrer nos efforts sur le « leaking pipeline » afin de s’assurer de ne pas perdre des talents en cours de route dans les différentes strates de l’organisation. Dans le cadre de nos travaux, nous avons par ailleurs constaté qu’il n’existe pas de trajet de leadership disponible au niveau où se trouve le premier plafond de verre. Sans doute pense-t-on que l’envie de leadership, le développement des compétences nécessaires pour y parvenir, naîtront plus tard. C’est pourtant à ce niveau-là qu’il faut commencer à agir.
Grâce aux différents outils et actions développées par Wo.Men in Finance, avez-vous constaté un impact concret dans les entreprises, une évolution dans le secteur bancaire et de l’assurance ?
CG : Oui, l’évolution est réelle et palpable. D’abord parce qu’aujourd’hui, le sujet est sur toutes les lèvres au sein des cinquante institutions membres ; une prise de conscience à saluer. Il y a trois ans, c’était surtout les grandes institutions qui étaient actives sur les questions de diversité et d’inclusion. Aujourd’hui, ce groupe de cinquante membres remplit non seulement ses obligations de mesurer les plafonds de verre mais a surtout permis l’émergence de six groupes de travail composés d’une centaine de femmes et d’hommes travaillant dans des dizaines d’institutions différentes (bancaires et de l’assurance). Ils se regroupent pour discuter d’objectifs, de la mise en place d’actions et développent des outils publiés sur le site www.womeninfinance.be ou organisent des événements ou des workshops. Ils agissent comme une véritable communauté de partage et d’expérience qui permet l’accélération de bonnes pratiques.
Ensuite, un autre volet grâce auquel nous faisons bouger les lignes est notre capacité en tant que secteur à livrer une vue solide de la réalité par le biais des enquêtes anonymes. Nous avons lancé en 2022 une grande enquête sur les facteurs bloquants dans les carrières des femmes et des hommes. Les résultats ont agi comme un électrochoc. Les participant-e-s ont épinglé, comme facteurs bloquants, la culture d’entreprise, suivie des jeux politiques et du style de leadership. Plus marquant encore : ces facteurs pourraient conduire jusqu’à 37% des femmes au niveau senior management à envisager de quitter leur entreprise.
Le message envoyé est très clair. Les entreprises ne peuvent plus se contenter d’attirer les femmes de talent à tous les niveaux. Elles doivent s’assurer que la culture d’entreprise permette à chacun-e d’être soi-même au quotidien.
Claire Godding
Coprésidente de Wo.Men in Finance
Dès lors que la culture permet à chacun-e d’avoir un avis différent et de l’exprimer mais aussi de se sentir bienvenu-e, pas malgré ses différences mais avec ses différences, cela va permettre un partage beaucoup plus riche et aboutir à de meilleures prises de décision. C’est la définition même d’inclusion.
Qu’est-ce qu’une entreprise qui intègre ces notions dans sa politique globale de fonctionnement peut se targuer d’avoir de plus qu’une autre (ou qu’un autre secteur) ?
CG : L’entreprise gagne en intelligence collective : c’est fondamental. C’est même l’argument le plus essentiel. Dès lors que la culture permet à chacun-e d’avoir un avis différent et de l’exprimer et de se sentir bienvenu-e autour de la table - en tant que femme, homme, personne non binaire, avec une origine ou un parcours différent - pas malgré ses différences mais avec ses différences, cela va permettre un partage beaucoup plus riche et aboutir à de meilleures prises de décision. C’est la définition même de l’inclusion. L’objectif majeur reste la performance de chaque organisation. Les études qui appuient cette affirmation sont nombreuses. Elles montrent le lien qui existe entre la diversité de genre et la qualité de décision à tous les niveaux ; ce qui conduit par conséquent à une meilleure connexion avec les besoins des clients et une meilleure capacité à innover et à gérer la prise de risques.
Par ailleurs, l’inclusion de profils différents ne génère pas de coût supplémentaire. Même si l’on pense au recrutement d’une personne en situation de handicap, des aménagements raisonnables peuvent par exemple s’imposer pour permettre à la nouvelle recrue de rejoindre l’entreprise. Il faut savoir que ceux-ci sont, en grande partie, pris en charge par les structures publiques régionales.
Il est important d’ajouter que ce travail sur la diversité et l’inclusion ne se cantonne pas au service des ressources humaines. Il s’agit d’un état d’esprit que doivent adopter l’équipe Communication, le CEO, l’ensemble du comité de direction mais aussi l’équipe commerciale jusque dans son approche de la clientèle.
Claire Godding
Coprésidente de Wo.Men in Finance
Les défis de demain imposent la maximisation de l’intelligence collective en prenant en compte les aspirations de toutes générations, la réalité multiculturelle et les expériences de chacun-e.
Les milléniaux aujourd’hui sont plus attentifs à ces questions et, pas seulement lorsqu’ils font partie d’une minorité. Le respect et l’inclusion sont des valeurs essentielles à leurs yeux.
Nos secteurs ont d’ailleurs besoin d’accroître leur attractivité auprès des jeunes. C’est pourquoi il est important de fournir des témoignages, d’ouvrir des fenêtres sur le monde il de l’assurance. La représentativité est capitale. J’utilise souvent cette maxime en anglais pour l’illustrer : « you can’t be what you can’t see » (vous ne pouvez devenir ce que vous ne voyez pas). C’est aussi pour cela que nous avons choisi de signer la charte sur les panels inclusifs (www.inclusivepanels.be), nous engageant à n’organiser des événements qu’avec un panel suffisamment mixte et divers, dans le but de permettre à chacun de se projeter grâce à une vaste représentativité et aux rôles modèles.
Comment évaluez-vous le secteur de l’assurance au vu de ces questions ?
CG : Il est clair qu’on sent un éveil sur le sujet depuis trois ans (ndlr. la signature de la charte diversité et inclusion) en particulier parmi les membres de Wo.Men in Finance. Mais de nombreux assureurs n’ont pas encore franchi le pas.
Nous les invitons à nous découvrir, via notre site, notre page LinkedIn, ou en prenant contact en direct avec Wo.Men in Finance (info@womeninfinance.be). Les défis de demain imposent la maximisation de l’intelligence collective en prenant en compte les aspirations de toutes générations, la réalité multiculturelle et les expériences de chacun-e. Le secteur de l’assurance est souvent perçu comme conservateur et réticent à la prise de risque. Dans le même temps, il souhaite évoluer avec la société en couvrant par exemple les risques émergents. La seule manière d’y parvenir, c’est d’améliorer la mixité en son sein. Plusieurs études, telles que celle de la Harvard Business Review, montrent que le risque croît lorsque le management est uniformément masculin. En revanche, l’ouverture au changement est plus importante lorsque la mixité est atteinte ; un seuil qui permet alors une prise de risques plus raisonnable.
Liens utiles pour en savoir plus :
- Résultats de la grande enquête Wo.Men in Finance ou pour en savoir plus sur l’association et la charte :
www.womeninfinance.be - 25 outils pour plus de diversité et d’inclusion au sein du secteur financier :
www.inclusioninfinance.be - La charte des panels inclusifs :
www.inclusivepanels.be